L’économiste comportemental Richard Thaler avait déjà affirmé qu’épargner «pour plus tard» était difficile sur le plan rationnel. Nous ne parvenons pas à définir précisément quand commence ce «plus tard», ni de combien nous aurons alors besoin.
Dans leur livre «Dollars and Sense», Dan Ariely et Jeff Kreisler imputent aussi cette difficulté à épargner aux émotions auxquelles nous sommes confrontés. Nous avons, en tant qu’humains, un problème fondamental avec la satisfaction différée, et souffrons d’un manque de self-control. Notre présent nous submerge d’émotions liées à l’argent. Des émotions que nous ne ressentons pas lorsque nous pensons à l’avenir, faisant sembler moins urgente et importante toute décision que nous pourrions prendre le concernant. Nous savons que c’est faux d’un point de vue rationnel, mais nos émotions changent le cours de nos décisions.
En outre, le futur est par définition incertain, et il est donc encore plus difficile d’y penser. Ces moyens, souhaits et besoins sont ceux de plus tard. Nous devons pouvoir évaluer correctement notre situation financière actuelle et l’adapter à toutes ces incertitudes, ce qui représente un véritable défi, car on peut facilement faire des erreurs de raisonnement qui auront une influence sur notre comportement d’épargne.
Pourquoi laissons-nous nos émotions régir notre comportement financier quand notre raison sait que nous faisons fausse route? Selon Dan Ariely et Jeff Kreisler, nous succombons trop vite à la tentation à cause de notre incapacité à différer notre satisfaction et de notre trop grande confiance en nous. Nous nous imaginons rester cette «personne parfaite», dans le futur, mais c’est maintenant que nous pouvons acheter ce sac à main ou ce billet de concert. Alors c’est aussi maintenant que nous capitulons, car notre futur «nous» aura bien d’autres occasions d’épargner. Du moins le croyons-nous.
Résister à la tentation et épargner exige donc une bonne dose de volonté, mais cela ne suffit pas. Il faut également une stratégie d’épargne, tout en gardant à l’esprit que nos émotions essaieront de nous détourner de ce plan. Cette prise de conscience peut vous aider à mieux gérer votre argent et résister à la tentation.
Une meilleure compréhension et une approche réfléchie peuvent donc profiter à votre plan d’épargne. Dan Ariely et Jeff Kreisler vous donnent quelques conseils supplémentaires pour vous motiver à épargner.
Si le futur vous semble trop vague pour épargner en prévision, il peut être utile de rendre votre plan d’épargne aussi concret que possible. Créer de véritables liens avec l’avenir augmentera votre connexion émotionnelle avec cette période et réduira nos chances de céder aux tentations. Le chercheur Hal Hershfield* propose des méthodes simples pour composer une version plus vivante et plus spécifique de notre ‘futur moi’. Écrivez-vous par exemple une lettre pour quand vous aurez 65, 70 ou 80 ans. De quoi pensez-vous avoir besoin à cet âge là? Quels souhaits aurez-vous? Qu’est-ce qui vous apportera de la joie? Qu’est-ce qui vous rendra triste? En concrétisant les choses, ‘épargner pour plus tard’ devient moins vague.
Une autre étude révèle en outre que les gens tiennent davantage compte de l’avenir lorsqu’il est question d’une date spécifique. Épargnez-vous pour dans 20 ans ou pour le 21 août 2038? Cette formulation simple et cette date-butoir pourront renforcer votre motivation à épargner.
Vous pouvez aussi décider de mettre en place vous-même des barrières afin de résister aux futures tentations. Ouvrir un compte d'épargne dans une autre banque que celle où votre salaire est versé pourra vous aider. En dissociant physiquement votre épargne de votre 'argent du quotidien', vous serez moins tenté d'y toucher à la fin du mois. Un petit geste qui aura de grands effets sur votre comportement d'épargne.