Si vous avez fait du catéchisme à l’école, vous vous souvenez probablement du récit biblique de la pauvre veuve (Marc 12, 41-44).
Pour résumer: Jésus loue l’offrande d’une pauvre veuve qui a déposé deux piécettes dans un trésor mais, ce faisant, a donné plus que les riches qui l’entouraient.
On retrouve cette même histoire dans d’autres cultures et sous d’autres formes. Elle suggère que les personnes pauvres seraient plus généreuses et que l’argent nous rendrait moins soucieux de notre prochain.
Des chercheurs de notre siècle ont donc confronté cette hypothèse à la réalité. L’argent affecte‑t‑il négativement notre serviabilité? Les personnes riches sont-elles moins gentilles? Et les pauvres plus généreuses?
Des chercheurs américains ont cherché à savoir si l’argent nous poussait à moins collaborer et nous rendait moins serviables.
Au cours d’une première expérience, les participants ont répondu à un questionnaire sans importance en étant assis devant un ordinateur sur lequel est apparu un économiseur d’écran au bout de 6 minutes. Les participants étaient répartis en 3 groupes, chacun avec un économiseur d’écran différent. Celui du premier groupe représentait des poissons. Le deuxième groupe avait un économiseur d’écran vide, et celui du troisième groupe représentait de l’argent. On a ensuite demandé à chaque participant s’il préférait réaliser la mission suivante seul ou avec un partenaire. Les participants qui avaient vu l’économiseur d’écran avec de l’argent ont significativement moins choisi de collaborer avec un autre participant (2).
Au cours d’une seconde expérience menée par les mêmes chercheurs, il s’est en outre avéré que les personnes confrontées à de l’argent étaient également moins disposées à aider une personne qui avait fait tomber une boîte de crayons (2).
L’argent (et même la simple idée de l’argent) nous rendrait donc plus autoritaires, et donc moins disposés à collaborer avec d’autres personnes ou à aider notre prochain.
Lors d’une expérience à l’Université de Californie, des personnes ont été invitées à faire une partie de Monopoly. Mais le jeu était conçu de telle sorte qu’un seul joueur choisi au hasard était très avantagé par rapport aux autres. Le ‘joueur riche’ a reçu un plus gros capital de départ, eu plus de possibilités de se déplacer sur le plateau de jeu et reçu plus d’argent lorsqu’il passait sur la case départ. Il s’est avéré que les joueurs riches adoptaient un comportement plus dominateur; ils faisaient plus de bruit avec leur pion et rappelaient constamment à leurs adversaires ‘pauvres’ qu’ils avaient plus d’argent.
À l’issue du jeu, tous les participants ont été interrogés quant à leur expérience pendant le jeu. Curieusement, les joueurs riches expliquaient leur victoire en racontant tout ce qu’ils avaient fait pour qu’elle soit possible, alors que le jeu était en réalité tourné à leur avantage (1).
L’argent nous rendrait plus dominants et moins gentils. En outre, lorsque nous essayons d’expliquer notre situation privilégiée, nous oublions facilement le contexte qui l’a rendue possible.
Une autre étude américaine a testé la mesure dans laquelle des personnes riches et moins riches étaient disposées à donner de l’argent à des gens qu’elles ne connaissaient pas. Pour ce faire, les chercheurs ont donné 10 dollars à chacune des personnes testées, issues des deux classes sociales. Les chercheurs leur ont expliqué qu’elles pouvaient choisir de garder cet argent ou d’en donner une partie à quelqu’un qu’elles ne connaissaient pas et ne rencontreraient jamais.
Les personnes gagnant entre 15.000 et 25.000 dollars par an ont donné jusqu’à 44% d’argent de plus à la personne qu’elles ne connaissaient pas que les personnes gagnant jusqu’à 10 fois plus (1).
L’argent aurait une influence sur notre générosité. Plus nous avons d’argent, moins nous voulons bien en donner.
Avant toute chose, il est important de préciser que, selon des études plus récentes, la réalité est bien plus nuancée que ce que suggèrent ces expériences. Le rapport entre argent et comportement éthique est en effet bien plus complexe. Il dépend par exemple de facteurs tels que les valeurs morales de la personne et de la façon dont on définit la richesse (3).
L’hypothèse affirmant que les plus pauvres seraient les plus généreux n’exclut en outre pas que des personnes plus fortunées puissent également l’être. Des études le démontrent d’ailleurs. Au cours d’une expérience ou des personnes riches et plus pauvres ont dû regarder une brève vidéo sur la pauvreté infantile, les deux catégories ont fait preuve d’autant de générosité en voyant, une heure plus tard, une personne dans le besoin (1).
Notre volonté d’aider les autres n’est donc pas inhérente à notre classe sociale ou à notre degré de richesse, mais bien à notre humanité.
Bibliographie:
(1) TEDxMarin. (2013, octobre). Does money make you mean? [Vidéo]. Ted.com.
(2) Vohs, D. K., et al. Merely Activating the Concept of Money Changes Personal and Interpersonal Behavior. Association for Psychological Science. 2008. Volume 17, 3.
(3) Trautmann S. T., et al. Social Class and (Un)Ethical Behavior: A Framework, With Evidence From a Large Population Sample. Perspectives on Psychological Science. 2013. Volume: 8 issue: 5, page(s): 487-497.